Mickaël Worms-Ehrminger est docteur en santé publique et recherche clinique. Dans son livre « Vivre avec un trouble de santé mentale » (publié aux éditions Marabout, avril 2023), il nous livre un témoignage sur son expérience avec les troubles psychiques.
Mickaël a également créé le podcast Les Maux Bleus qui a vocation à libérer la parole sur la santé mentale et les troubles psychique, de porter un message d’espoir.
Dans cette interview, il nous raconte les raisons qui l’ont amené à témoigner et à s’engager dans ce champ.
Mickaël Worms-Ehrminger
Docteur en santé publique et recherche clinique, Auteur, Conférencier, Podcasteur
Pourquoi as-tu décidé de partager ton histoire personnelle en écrivant sur ton vécu avec les troubles psychiques ?
J’ai décidé de partager mon histoire dans une démarche d’empowerment, d’affirmation de soi. Je pense qu’il n’y a qu’en partageant son histoire, de manière concrète et sans fard, qu’on peut illustrer des concepts flous pour le grand public. C’est le cas de nombreux symptômes psychiques : l’exemple permet de les illustrer et les rendre plus accessibles.
Quels ont été les principaux défis que tu as rencontrés sur le chemin du rétablissement et comment as-tu réussi à les surmonter ?
Le principal défi est de trouver le bon professionnel, voire de trouver un professionnel tout court ! Après avoir accepté que l’on a le droit de souffrir, c’est le parcours du combattant pour trouver de l’aide : qui aller voir ? et si ça ne passe pas ? à quoi m’attendre ? Sans compter les difficultés d’accès géographiques et financiers ou encore les clichés négatifs sur les médicaments et les thérapies. C’est au fil du temps et au prix d’une persévérance qui n’est pas donnée à tout le monde quand on souffre que j’ai réussi à venir à bout de ces barrières. Mais le chemin a été long et semé d’embûches.
Dans ton livre, tu parles de l’importance de briser le tabou entourant les maladies psychiques. Comment penses-tu que cela puisse être accompli ? Quels sont les bénéfices et les risques potentiels liés à l’action du témoignage ?
On parle souvent de courage quand quelqu’un évoque ses troubles : je m’oppose fermement à ce « tu es courageux », car c’est affirmer cela qui renforce l’impression qu’il faut être courageux et commettre un acte exceptionnel pour oser parler de son trouble mental et donc freine les personnes qui seraient susceptibles d’en parler. Sensibiliser à la différence et au handicap dès le plus jeune âge me semble capital. Le témoignage peut être utile tant pour le témoin que pour les personnes qui le reçoivent, cela dit il a la limite de la subjectivité de l’expérience et surtout en raison du regard de la société il peut porter préjudice au témoin, ou encore faire porter un poids trop important sur la personne.
Quelles sont les clés pratiques essentielles que tu délivres dans ton livre et qui peuvent aider les personnes vivant avec un trouble de santé mentale à trouver le chemin de la « guérison » ou du rétablissement ?
Les principales choses qui peuvent aider sont d’accepter et d’accueillir sa souffrance comme ce qu’elle est : un signal d’alarme.
Il n’y a pas « pire ailleurs ». Quand on souffre, on souffre, il n’y a pas d’échelle pour comparer deux souffrances et personne n’a le droit de vous dire que votre souffrance vaut moins qu’une autre. Il existe des ressources pour l’atténuer, ce sont les professionnels de santé mentale. Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à consulter, comme vous le feriez pour une douleur en bas du dos ! Si cela vous est inaccessible, pensez aussi à la téléconsultation qui peut aider ou encore au 3114 si vous avez des pensées suicidaires. Selon votre situation, il existe aussi de nombreuses structures qui peuvent vous accompagner dans vos démarches.
Tu parles également de la dimension identitaire dans ton histoire et tu regrettes d’ailleurs d’être trop souvent catégorisé « d’ancien malade » lors de tes interventions. Comment peut-on complètement s’affranchir de cette étiquette ? Comment faire évoluer le regard des autres pour passer de « personne malade » à « personne tout court » ?
Je ne sais pas s’il est possible de s’affranchir entièrement de l’étiquette. A part en travaillant sur l’affirmation de soi et en précisant systématiquement que l’on est d’abord une personne avant d’être un malade ou ancien malade, c’est très difficile de faire changer les regards et la manière dont les gens vous perçoivent.
Outre cette expérience personnelle, tu es avant tout docteur en santé publique et recherche clinique. Comment vois-tu l’avenir de la prise en charge de la santé psychique en France ? Quelles améliorations urgentes penses-tu qu’il faudrait apporter ? Comment y parvenir ?
J’ai l’impression que les choses changent, mais c’est trop long. Les recommandations sanitaires le disent depuis des décennies : la thérapie est un outil essentiel dans la prise en charge des troubles mentaux. Elle reste pourtant largement inaccessible au plus grand nombre, et c’est une honte pour un pays comme le nôtre. C’est un point très important auquel il faut s’atteler d’urgence et concrètement, et surtout en concertation avec tous pour que la démarche puisse aboutir à un accord consensuel et non le désastre du dispositif MonPsy lancé en 2022 et largement boycotté. Espérons que le changement de mentalité dans la population fera accélérer les choses au niveau politique.
Quel est le message principal que tu aimerais que les lecteurs retiennent de ton livre ?
Je n’ai qu’un message : que vous y croyiez ou non aujourd’hui, c’est possible d’aller mieux !