Vous êtes « touche-à-tout » ? Eloge des métiers hybrides par Audrey Chapot

touche à tout

Vous a-t-on déjà dit que vous étiez « touche-à-tout » ? Souvent perçu de manière péjorative, être « touche-à-tout » est pourtant un fait qui relève de notre condition d’humain. Et c’est une anthropologue qui le dit !

audrey chapotLe dernier livre d’Audrey Chapot, anthropologue hybride, Éloge des métiers hybrides – pour les touche-à-tout à les autres  évoque cette notion d’un point de vue anthropologique ! Et cette lecture fait du bien en cette rentrée histoire de nous décomplexer et de nous rappeler qu’il est tout à fait normal d’être « touche-à-tout » dans le monde d’aujourd’hui.

Le « touche-à-tout » n’est pas instable ou hésitant, il est un individu curieux qui exprime la multiplicité de ses capacités et de ses besoins au cours de sa vie. Tour d’horizon avec Audrey sur son livre ressourçant et apaisant.

Pourquoi un livre sur ce sujet ?

touche a tout Mon intention est surtout de révéler notre amnésie collective afin de sortir de certaines ornières de pensée devenues nuisibles.

Aujourd’hui dans beaucoup de domaines, ce que nous considérons être la norme n’est en fin de compte que le résultat d’un choix particulier fait à une époque (plus ou moins récente) pour répondre à certains besoins. Nous nous y sommes habitués en oubliant nos manières de vivre « naturelles » préalables. Dans certains cas, cette « normalité » nous porte préjudice.

Tu abordes le sujet des « touche-à-tout » ? Peux-tu nous expliquer ce terme ?

Les touches-à-tout sont tous ceux qui ont du mal à entrer dans les cases. Ce sont les personnes qui comprennent vite, apprennent vite, se lassent vite et qui ne peuvent s’empêcher de cumuler les centres d’intérêt et de jongler avec eux. Ce sont par exemple tous ceux qui définissent leur trajectoire d’atypique.

Anthropologiquement parlant, ils ne sont ni minoritaires, ni atypiques, mais des êtres humains très banals. Au lieu de prendre naturellement leur place dans la société et d’y contribuer, ils sont trop souvent considérés comme des cas particuliers. En réalité, les cas particuliers à l’échelle de notre espèce sont ceux qui suivent un « parcours » plutôt rectiligne et tracé d’avance. Notre idée courante de la normalité identifie des personnes suradaptées à leur société.  

Pourquoi avoir choisi cet angle des « métiers hybrides » dans ton nouveau livre ?

Je parle d’abord de métiers pour redonner de la noblesse à la notion d’activité professionnelle.

slasheurLe terme hybride renvoie à l’idée de métissage d’activités humaines. Il s’agit de combiner des disciplines, des secteurs d’activités, des méthodes de travail, des matières et matériaux, des types de relations… Comme je l’explique dans le livre, cela regroupe des réalités extrêmement différentes, de la valorisation des généralistes, à la redéfinition des créatifs, en passant par les avant-gardistes.

Ce qui m’importe est d’insister sur l’ouverture et les diversités des activités humaines. Ce qui m’importe aussi est que chacun se ressaisisse de son pouvoir d’action individuelle. Ce qui m’importe enfin est de montrer que ces métiers hybrides, nouveaux ou revisités, permettent de faire évoluer la société ; je parle du « nécessaire coup de fouet dans nos sociétés » pour éviter qu’elles ne s’enlisent.

D’après ton expérience, comment reconnaître un « touche-à-tout » ?

Comme dit précédemment, en déroulant le fil de l’histoire de notre espèce et de l’histoire des activités humaines (comme je l’avais fait notamment dans mon premier livre « L’Esprit des mots »), j’en suis venue au constat que nous sommes tous des touche-à-tout. Ce n’est donc pas une particularité, mais un fait humain.

Certains s’y reconnaissent spontanément, d’autres moins. En creusant un peu, rares sont ceux qui ne s’y retrouvent pas du tout !

Ceux que l’on reconnait facilement sont, d’une part, ceux qui l’assument parfaitement et s’épanouissent dans leur métier et leur trajectoire singulière ; d’autre part, ceux qui se cherchent encore, qui tentent de « rentrer dans le système ». Les premiers sont dans leur élément et peuvent inspirer les seconds.

Mon livre est aussi un témoignage pour montrer qu’il n’existe pas de voie unique et qu’il n’est pas forcément conseillé de restreindre ses envies. Je l’illustre par plusieurs anecdotes personnelles et des clients m’ayant contactée pour les accompagner dans leur réflexion et avancée professionnelle.

Comment expliques-tu d’un point de vue anthropologique que les « touche-à-tout » ne soient pas valorisés dans notre société alors que « nos ancêtres étaient des slasheurs » ? 

Les touche-à-tout n’ont pas été valorisés depuis deux siècles car la société avait besoin de compétences remplaçables.

C’est la conséquence de la révolution industrielle du XIXème siècle, ce qui nous a procuré de nombreux avantages pour notre quotidien. A force de conditionner des êtres interchangeables pour leur compétences interchangeables, nous nous sommes « anesthésiés » de nos besoins fondamentaux.

Dans ce contexte, les touche-à-tout qui ne restent pas en place, ou qui ne la trouvent pas, sont gênants, et donc parfois dévalorisés.

Nous vivons aujourd’hui une mutation anthropologique, un tournant décisif de notre modèle de société et de nos manières de vivre et de travailler. C’est d’abord individuellement l’occasion de nous reconnecter à nos besoins fondamentaux : notre besoin de création, d’expérimentation et de sens. C’est aussi collectivement l’opportunité de faire bouger nos sociétés devenues sclérosées.

L’une des difficultés des « touche-à-touche » est de trouver l’épanouissement professionnel. Quel conseil pourrais-tu donner aux lecteurs qui se retrouvent dans cette difficulté ? 

Se trouver professionnellement passe par « se trouver », c’est-à-dire être au clair et accepter qui l’on est, ce que l’on a à faire, et s’y investir. Et pour cela, il n’existe pas forcément de conseil clair valable pour tous !

Par exemple, certains auront besoin d’un objectif précis vers lequel tendre (quitte à en changer en cours de route) lorsque d’autres feront mieux sans, en naviguant à vue.

Ce que je constate souvent, c’est la difficulté des choix justes, guidés par l’écoute intérieure authentique.

Tant que nous resterons si obéissants à la pression sociale et/ou familiale (qui décide pour nous) sans connexion à une dimension sacrée (comme je l’exprime dans «Tel un roseau »), nos conditions de vie et de travail resteront insatisfaisantes, voire toxiques.

A propos d’Audrey Chapot

Son site : https://www.audreychapot.com/

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Pour commander son livre: ICI 

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