Cher lecteur,
Mon deuxième livre se trouve enfin dans les mains de ma maison d’édition. Je te prie d’excuser mon silence ces derniers mois. Ecrire, c’est se soumettre au rythme du temps. La créativité danse, vient et repart : il m’aura ainsi fallu quelques mois de silence pour trouver les mots à poser sur papier.
Me voici enfin de retour pour partager mes interrogations sur le monde du travail . De mon quotidien de créatrice d’entreprises au club d’entreprises que nous animons, je dois bien avouer que les questions se bousculent, dont celle du remerciement. Je sais, j’ai choisi un titre un peu provocateur…
LES INJONCTIONS AU REMERCIEMENT
J’en parlais dans un précédent article, les injonctions aux managers se multiplient. Il se doit d’être exemplaire, disponible, à l’écoute, et bien sûr, le grand sujet du moment : il doit remercier ses équipes.
Outre le fait qu’il s’agisse de théoriser le bon sens, quiconque a un jour managé sait que la théorie se heurte souvent à la pratique. Comme tout le monde, un manager est un humain, avec ses doutes et ses faiblesses. Il y a bien sûr ceux qui ne se poseront jamais aucune question, mais il y a les empathiques, les hyper-sensibles et tous ceux qui peuvent se laisser hanter par leurs maladresses, même des années plus tard.
Celle-ci a 10 ans. Je manageais alors une équipe d’une dizaine de salariés entre la France et les Etats-Unis. Me rendant compte que je ne le faisais pas assez, j’avais remercié individuellement chaque salarié et l’un d’entre eux m’avait tout de go répondu « Catherine, c’est pour ça que tu me payes ! », un brin outré.
LE QUESTIONNEMENT
En discutant avec lui, il m’avait alors expliqué que le remercier d’avoir atteint un objectif de groupe n’avait pas de valeur à ses yeux, il était payé pour ça. Du haut de mes 25 ans, je n’en menais pas large, cela a planté la graine de questionnements dans ma tête.
N’est-ce pas asservir l’autre que de le remercier d’avoir atteint nos objectifs personnels ou ceux d’un groupe ? Bien sûr, si le projet est porté collectivement cela a du sens et je ne remets nullement en cause les remerciements sincères, mais combien de salariés ai-je rencontré attendant un remerciement de leur hiérarchie qui, lorsqu’il arrivait, était perçu comme hypocrite.
N’est-ce pas asservir l’autre que de le remercier de quelques euros ? Si cela semble légitime et peut vraiment aider une famille à vivre, combien de salariés perdent leur essence voire leur personnalité à la quête d’une prime dont ils n’ont pas forcément besoin ?
N’est-ce pas illusoire que de remercier un salarié en lui proposant de grimper les échelons alors même qu’il n’en ressent pas forcément l’envie ? Est-ce vraiment ça réussir dans la vie ?
Je me suis longtemps questionnée. L’héritage de notre système éducatif peut-être. Tel un enfant attendant un bon point ou la bonne note du professeur, nous reproduisons cette mécanique dans le monde professionnel mettant ainsi de côté nos rêves et nos talents, oubliant que ce qui a vraiment de la valeur, c’est le temps dont nous disposons ou les liens authentiques que nous nouons avec les autres.
QUE FAIRE ?
Aujourd’hui, j’ai fait le choix de remercier les membres de l’équipe de l’Optimisme pour QUI ils sont. Pas pour ce qu’ils font, pas pour ce qu’ils rapportent mais pour QUI ils sont. Ce remerciement ne change pas au fil des mois et des projets. Il me permet de remercier chacun pour sa singularité, et de replacer ainsi l' »être » avant le « faire » ou l' »avoir ».
Bien-sûr, cela demande de la confiance et de l’apprentissage. Faire sortir chacun de ce que le système éducatif lui a fait croire, apprendre que la seule reconnaissance qui vaille c’est celle qu’on a vis-à-vis de soi-même. Cela impose que chacun mesure l’importance de son travail et la participation à un projet commun. Dans une petite équipe, c’est facile, il y a un respect mutuel, une confiance partagée et du sens à nos actions.
Mais je continue de m’interroger. Dans un monde de l’entreprise panoptique (pris aux prisons où le chef peut voir sans être vu… si si, cela existe encore), les remerciements ne sont-ils pas illusoires ? Apprendre à ne plus en avoir besoin ne serait-il pas plus utile ? Bien sûr, cela impose de revenir à son sens et à sa cause…
On me dit parfois que remercier est un moindre mal… Et si c’était le contraire ? Et si on plongeait ainsi les salariés dans une attente veine qui les dépossède parfois de leur propre puissance ?
Tant de questions… Cet article se veut une ouverture à la discussion, je n’ai pas la réponse mais je m’interroge quand ce qui me parait un « acte gratuit et empathique » se transforme en injonction et en outil.
Merci pour tes retours et pistes de réflexion !
A très bientôt,
Catherine
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