Edmond Marc est professeur émérite de psychologie et psychologue clinicien. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur les psychothérapies.
Dans son dernier livre, « Comment les psychothérapies nous aident à changer ? » publié en février 2023 (Eyrolles), il met en perspective les grands modèles thérapeutiques existants.
Le monde des psychothérapies est en pleine évolution. Il n’est pas toujours simple pour le grand public d’avoir des repères simples et clairs.
Dans cette interview, Edmond Marc, revient dans des mots simples, sur quelques bases accessibles à tous pour mieux comprendre ce qu’est une psychothérapie, quoi en attendre et comment choisir une approche qui nous convienne si on souhaite entreprendre l’aventure du changement personnel !
Comment est né votre désir d’écrire un livre sur les psychothérapies et quelle était votre intention d’origine ?
J’ai fait dans ma jeunesse plusieurs expériences de psychothérapies, de la psychanalyse aux nouvelles thérapies. Elles ont été passionnantes pour moi et très utiles. Si bien que j’ai voulu en faire mon métier. Par la suite, devenu psychothérapeute et professeur de psychologie, je me suis spécialisé dans ce domaine avec le souci de mieux les faire connaître à un large public.
Le monde des psychothérapies peut paraître très flou pour le grand public. Comment définir simplement ce qu’est une « psychothérapie » ? Quels sont les objectifs d’une « psychothérapie » ?
Les psychothérapies tendent à soigner les troubles psychiques, les difficultés relationnelles et les traumatismes par des moyens psychologiques, à travers une relation entre le psychothérapeute et le patient (le psychothérapeute ne prescrit pas de médicaments)
Les objectifs sont divers : se débarrasser d’un symptôme gênant (comme une phobie) ; résoudre un problème particulier (comme un trouble alimentaire : boulimie ou anorexie…) ; faciliter l’estime et l’affirmation de soi ; améliorer les relations interpersonnelles (dans le couple, la famille, le travail…).
D’une façon générale, une psychothérapie vise un mieux-être (se sentir mieux dans sa peau), être plus détendu, plus cool, moins anxieux, mieux gérer ses émotions…
Au cœur de toute psychothérapie se trouve la notion de « changement ». Qu’est-ce que cela signifie « changer » pour un être humain à travers une psychothérapie ?
Le changement prend différentes significations suivant les objectifs que je viens d’énumérer. Mais c’est toujours aller d’une situation de souffrance, d’insatisfaction, de mal-être à un état plus satisfaisant.
C’est aussi aider la personne à développer ses potentialités (avoir une vie plus riche, plus épanouissante).
Après une première partie dans laquelle vous détaillez, dans votre livre, les apports de la psychanalyse, vous évoquez les nouvelles conceptions thérapeutiques qui ont émergé depuis une trentaine d’années en France. Que retenir de l’évolution des psychothérapies ces dernières décennies ?
Le paysage des psychothérapies a lui-même beaucoup changé. Les méthodes se sont multipliées. Dans mon Guide des psychothérapies, j’en présente une cinquantaine. Le public peut être un peu perdu devant un tel foisonnement qui en même temps offre un choix étendu ; chacun peut trouver ce qui lui convient le mieux. Aujourd’hui, il y a des thérapies de groupe, des thérapies de couple, des thérapies familiales. À côté des thérapies verbales, comme la psychanalyse, on trouve des thérapies psycho-corporelles qui ajoutent un travail corporel et émotionnel à l’échange verbal.
Bref, un grand choix d’orientations, de méthodes et de techniques.
Face à ces multiples conceptions, quels conseils pouvons-nous donner à nos lecteurs qui sont bien souvent perdus dans cette nébuleuse et n’ont pas toujours conscience de l’orientation psychothérapeutique dans laquelle ils s’engagent ? Pour les profanes que nous sommes, comment « bien » choisir sa psychothérapie ?
Effectivement, la démarche d’orientation n’est pas toujours facile. D’autant qu’il existe plusieurs professions qui pratiquent la psychothérapie : les psychiatres qui sont des médecins ; ils peuvent aussi prescrire des médicaments et leurs consultations sont prises en charge par la sécurité sociale. Les psychologues qui ont un diplôme universitaire. Les psychanalystes qui sont habilités par des associations privées. Le titre de psychothérapeute peut être attribué à ces trois professions sous certaines conditions. Mais il y a aussi les psychopraticiens qui se sont formés à une démarche particulière (Analyse transactionnelle, Gestalt-thérapie, TCC…) dans des écoles privées.
Il ne faut pas hésiter à en rencontrer plusieurs avant de se décider (souvent, la première rencontre est gratuite).
Aujourd’hui, beaucoup de praticiens ont un site web où ils présentent leur méthode et leur formation. Il vaut mieux, bien sûr, choisir des thérapeutes ayant une expérience suffisante et reconnus par les associations professionnelles.
La psychothérapie est une rencontre humaine et intime où la confiance, l’entente et la sympathie sont très importantes.
On ne peut pas confier des aspects de sa vie à quelqu’un qui n’inspire pas confiance et avec qui on ne se sent pas à l’aise. Il ne faut pas hésiter à poser des questions au praticien lors de la première rencontre sur sa méthode, ses tarifs, la périodicité des séances, sur tous les éléments pratiques qui encadrent la démarche. Mais il faut se fier aussi à son feeling.
Mon Guide des psychothérapies a pour objectif de faciliter cette démarche de choix.
Vous soulignez enfin que pour réconcilier le dialogue entre les différentes approches psychothérapeutiques émerge aujourd’hui une orientation dite « intégrative ». Qu’est-ce qu’une psychothérapie intégrative ?
Les psychothérapies sont en concurrence les unes avec les autres ; et comme pour les lessives, chacune revendique de laver plus blanc. Mais dans la réalité, chacune a ses avantages et ses limites ; aucune ne peut prétendre apporter une réponse à tous les cas. La démarche intégrative tend à prendre en compte leur complémentarité et à dégager les bases qui leur sont communes.
Les enquêtes d’évaluation montrent qu’aucune n’est supérieure aux autres dans tous les domaines. Elles montrent aussi que le premier facteur de réussite, plus que la théorie ou la technique du thérapeute, est la qualité de la relation entre son patient et lui. Et il est bien sûr plus efficient pour le thérapeute de pouvoir utiliser plusieurs méthodes plutôt qu’une seule. Ça permet d’adapter la thérapie au patient, à ses troubles et à sa demande, plutôt que d’adapter le patient à une méthode unique.
De cette façon, la démarche intégrative est le meilleur rempart contre l’intégrisme (qui tend à affirmer : « Moi seul possède la vérité » et qui peut sévir dans ce domaine comme dans d’autres).