Si on vous dit « cercle de parole », il est probable que vous en ayez une vision erronée, empreinte de clichés.
Dans cette interview, Ali Lahbabi, coach-thérapeute, formateur et fondateur de Kalima organise régulièrement des cercles de parole en entreprise et pour le grand public.
Véritable expérience de partage entre individus, il nous en dit plus sur cette nouvelle modalité de rencontres qui fait du bien à notre bien-être mental.
Ali Lahbabi
Comment t’es venue l’idée d’organiser des cercles de parole ?
Dès le début du premier confinement, en mars 2020, nous avons commencé à organiser des cercles de parole en ligne pour toutes les personnes qui se retrouvaient seules chez elles.
On a recruté une équipe de facilitateurs et nous avons proposé une centaine de cercles. Près de 300 personnes ont participé et leurs retours ont été si positifs, si forts, que nous avons décidé, avec mon ami Mathieu Thomé, de créer Kalima.
La mission de Kalima est de faire rayonner l’usage de ces espaces de connexion et d’authenticité aussi loin que possible.
Quelle définition donnes-tu d’un cercle de parole ?
Un cercle de parole est un espace d’humanité et de partage dans lequel les participants peuvent s’exprimer librement, chacun leur tour, en ayant la certitude de ne pas être jugés, ni interrompus. Chaque participant à la même place et le même temps d’expression que les autres. Lorsqu’une personne parle, les autres écoutent attentivement, puis la parole circule jusqu’à ce que tout le monde se soit exprimé.
Concrètement, comment ça se passe et qu’est-ce qu’on y vit ?
Chaque cercle de parole est facilité et animé par un facilitateur ou une facilitatrice. Cette personne est un membre à part entière du cercle et participe au même niveau que les autres participants. Elle assure en plus le cadre de confiance, basé sur les 6 piliers du cercle : équité, liberté, écoute attentive, appropriation de la parole, bienveillance et confidentialité.
Les cercles se déroulent généralement en 3 tours : un tour d’ouverture, un tour de parole et un tour de clôture.
Un thème ou une question directrice sont présentés en amont aux participants. A chaque tour, les participants prennent la parole les uns à la suite des autres. Ils se passent la parole en citant le prénom de la personne de leur choix ou en passant un bâton de parole (en présentiel).
Dans un cercle, nous sommes invités à ralentir, à partager ce que nous sommes, ce que nous ressentons et ce que nous vivons, plutôt que de parler de ce que nous faisons ou possédons.
Kalima assure la formation de facilitateurs chaque mois. Nous sommes déjà à la 17ème promotion et plus de 150 personnes ont suivi la formation.
Quel public accueilles-tu lors de tes cercles de parole ?
Tout individu est le bienvenu dans les cercles. J’ai déjà facilité et vécu des cercles de parole avec des personnes de tout âge, allant du jeune de 20 ans jusqu’à moins jeune de 75 ans. Aux débuts de Kalima, il y avait très peu d’hommes dans les cercles. Mais on a observé un vrai changement depuis 2020 avec de plus en plus d’hommes qui osent parler et se montrer vulnérables.
On a déjà vu aussi certains facilitateurs de notre communauté animer des cercles de parole pour des enfants et des adolescents. Ou encore des cercles parents-enfants. On peut vraiment imaginer des cercles pour différents publics, différentes thématiques et contextes. C’est une expérience de communication et de partage vraiment puissante.
Pour quelles raisons les personnes s’y inscrivent ? Quelles sont leurs attentes ?
Les personnes s’inscrivent dans un cercle pour s’exprimer librement, se connecter à elles-mêmes (émotion, sensations) et se relier aux autres. L’ambiance est particulière dans ces espaces de partage. On sait que l’on ne sera pas jugé par qui que ce soit, ni interrompu dans nos propos. Forcément ça fait un bien fou de pouvoir vider son sac ou d’affirmer un point de vue ou une vision de vie sur un sujet donné.
Ils viennent aussi pour l’énergie qui se crée entre les participants. On se rend compte que l’on n’est pas si différents les uns des autres. On apprend du partage et du vécu de l’autre qui devient une source d’inspiration pour notre propre histoire. Il y a enfin ce sentiment de gratitude profond ressenti en fin de cercle et que l’on emporte dans le monde extérieur.
Quelle est la plus-value d’un cercle de parole par rapport à une discussion qu’on pourrait avoir entre amis ?
Il y a deux points forts ou plus-value que je peux vous partager. Le premier est cette écoute attentive et garantie de ne pas être interrompu. Les gens vous écoutent réellement au sein du cercle. Contrairement à une discussion entre amis ou toute discussion classique, personne n’est interrompu dans un cercle. Chaque participant a son espace d’expression dédié et respecté par tous, dans la bienveillance et sans aucune crainte d’être critiqué.
Le 2ème point fort est l’exploration de soi permise par le cercle. L’authenticité et la vulnérabilité sont naturellement mises en avant. Chaque participant est amené à partager ses pensées et émotions en approfondissant sa connaissance de soi. Cette exploration est encore plus approfondie grâce à la réflexion et aux propos des autres membres du cercle.
Et en entreprise, quels sont les bénéfices que tu observes auprès des collaborateurs ?
Les bénéfices et effets des cercles en entreprises sont assez incroyables : meilleure cohésion d’équipe, communication plus ouverte entre les collaborateurs, révélation de non-dits, développement de l’empathie, renforcement du lien social, meilleure gestion du stress et baisse de la fatigue mentale, identification de problèmes et de risque de burn-out au sein du groupe.
Je suis à chaque fois impressionné par les prises de conscience qu’amènent les cercles de parole pour les équipes que l’on accompagne. Cette fameuse phrase revient souvent : “je ne savais pas que l’autre était en train de vivre ça. Je ferai plus attention la prochaine fois et je serai plus présent et compréhensif.”
Une anecdote inspirante ou marquante que tu as vécu depuis que tu organises ces cercles ?
Je me souviens d’un cercle que j’ai facilité qui était tellement beau, sincère et intense qu’à la fin de l’expérience, on voulait tous se rencontrer en présentiel et mieux se connaître. On était des inconnus au départ. Et 90 minutes plus tard, on avait l’impression qu’on se connaissait depuis des années. C’était fou comme ressenti avec des participants de tout âge, de différentes nationalités et milieux. J’étais tellement fier et reconnaissant d’être vivant ce jour-là !