Vous le savez, nous parlons très souvent de santé mentale, un sujet qui nous semble essentiel en 2022. L’équipe qui forme des secouristes en santé mentale aime vous faire découvrir des ressources qui peuvent être utiles à tous.
Aujourd’hui, nous avons décidé d’évoquer un sujet sensible et encore tabou: le suicide. Pour nous sensibiliser aux bonnes attitudes et aux bons gestes, nous avons interviewé Sabrina De Luca, membre du comité de rédaction de Dites Je Suis Là, une plateforme de prévention du suicide à connaître et à faire connaître.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’association « Dîtes Je Suis Là » ?
« Dîtes Je Suis Là » est une association de prévention du suicide. Notre ambition, grâce à des outils innovants, est de permettre à chacune et chacun de devenir aidant et de savoir comment agir face à un proche en crise suicidaire.
Le suicide est un sujet tabou. Comment peut-on contribuer au quotidien en tant que simple citoyen (et non professionnel) à lever ce tabou ?
Eh bien, déjà en osant en parler ! Si on voit qu’un proche ne va pas bien, il faut lui en parler et comprendre son mal-être.
Ensuite, il est important de mettre en avant que chacun peut-être confronté de près ou de loin au suicide, cela concerne tout le monde et libérer la parole sur ce sujet est essentiel pour que chacun se sente en confiance d’en parler. En parler à ses proches, sur les réseaux sociaux, rien qu’avec un simple partage, comme on le répète souvent : en parler peut tout changer !
Il est également important de partager des informations fiables sur le suicide, de diffuser des chiffres afin de lutter contre les clichés. C’est une des vocations de Dites Je Suis Là.
Par manque d’informations et de sensibilisation, il peut nous arriver de commettre involontairement des maladresses face à une personne qui exprime des idées ou des intentions suicidaires. Quelles sont les maladresses les plus fréquentes à éviter dans de telles situations ?
Il est important d’éviter tout cliché à propos du suicide, car chaque cas et différent. Pour moi, il est essentiel de ne pas mettre les gens dans des cases ou encore de juger de la gravité de ce que la personne est en train de traverser. À savoir qu’en cas de crise suicidaire, la personne ne voit pas les solutions, il est donc important de ne pas la juger et de l’accompagner peu importe le problème traversé.
De plus, chercher des solutions à la place de la personne ou minimiser son mal-être fait également partie des maladresses fréquentes.
Nous pouvons tous développer un « potentiel d’aidant ». Par où commencer ? Y’a-t-il des attitudes, des mots qui peuvent aider une personne avec des idées ou des intentions suicidaires ?
Un simple “Je suis là” peut tout changer. Et être à l’écoute, c’est déjà beaucoup. Mais l’important pour aider c’est déjà d’être en capacité. Il est important d’être dans un lieu agréable et sécurisant, que le moment soit adéquat et s’assurer que vous ayez le temps d’écouter. Vous devez être disponible et dans un bon état d’esprit pour aider votre proche.
Il ne faut pas minimiser les problèmes de la personne que l’on aide et l’accompagner en lui apportant des solutions, des outils…Par exemple nous avons mis un annuaire des ressources à disposition sur notre site afin de répertorier les numéros et lieux de prises en charges utiles dans chaque région.
À quels signaux d’alerte peut-on être attentif dans notre entourage ou sur notre lieu de travail ?
Les émotions et pensées peuvent changer: mauvaise humeur, inquiétude excessive pour l’avenir, pessimisme, indécision ou découragement, impression d’être un fardeau pour les autres, sentiment de culpabilité, manque d’estime de soi, difficulté à réfléchir, avec répercussion sur le travail ou les études, expression d’un ras-le-bol (« je n’en peux plus », « il faut que ça s’arrête »).
Le comportement peut varier: ralentissement physique et/ou psychique, irritabilité, agressivité, retrait social, amical, familial, solitude exagérée, modification du soin apporté à son apparence et à son hygiène personnelle, comportement à risque, changement dans les habitudes de sommeil, préoccupations relatives à la mort, dons d’objets significatifs (lettres, cadeaux…)
La personne peut également se retrouver dans des situations à risque: difficultés relationnelles, problèmes de santé majeurs, pression à l’école ou au travail, difficultés financières, décès ou maladie grave d’un proche ou d’un animal…
Les signaux d’alerte sont propres à chaque personne, parfois la personne peut simplement se renfermer et devenir silencieuse ou peut devenir très active et très bavarde alors que cela ne lui ressemble pas, c’est pourquoi il faut être attentif aux comportements de ses proches.
Quels sont pour vous les grands mythes à déconstruire autour du suicide ?
- Faire une tentative, c’est pour attirer l’attention.
- Une personne qui SEMBLE bien peut aussi se suicider.
- On ne peut pas “guérir” les idées suicidaires.
- On ne peut pas empêcher quelqu’un de passer à l’acte.
- Le suicide est une envie.
- Le suicide est un choix.
- Le suicide survient brutalement.
Sur votre site, vous nous encouragez à faire confiance en notre instinct si on sent que « quelque chose ne va pas ». Pourquoi et comment prendre en compte notre instinct dans le repérage d’une personne qui aurait des intentions suicidaires ?
Nous encourageons chaque personne à faire attention à son entourage et ses proches. Nous connaissons nos proches, nous connaissons leur comportement et leur façon d’être. Lorsque notre instinct nous dit qu’il y a un problème, il faut l’écouter, nous voyons les changements d’attitudes des personnes qui nous entourent sans parfois y prêter attention.
Parfois, on a l’intuition (ou l’instinct) que « quelque chose ne va pas », qu’une personne aurait besoin d’aide, mais nous n’osons pas toujours agir par peur de paraître intrusif ou de ne pas savoir gérer la situation. Que faire lorsqu’on ne se sent pas d’intervenir ?
Devenir aidant, ce n’est pas devenir superman/superwoman. Quand je sens que je ne suis pas la bonne personne, que je ne m’en sens pas capable, je peux utiliser les relais qui existent: appeler le 3114, contacter un psychothérapeute… Nous pouvons parfois simplement devenir un relai ou rester en contact avec une personne qui ne va pas bien (appels, textos…)
Dites Je Suis Là propose désormais un outil innovant qui permet de rester en contact avec un proche. La carte « Restons en contact » dispose d’un QR code qui permet de laisser un message vidéo à un proche. Elle peut être utilisée en première démarche, lorsqu’on ne sait pas comment aborder les idées du suicide avec son proche ou pour rester en contact après avoir parlé du sujet.
À quelles ressources peut-on penser si nous sommes dans une situation dans laquelle une personne ou nous-mêmes avons des pensées ou intentions suicidaires ?
Il existe de nombreuses lignes d’écoutes à retrouver sur notre site internet, comme le 3114, numéro national de prévention du suicide.
Dites Je Suis Là a également récemment mis en place l’annuaire des ressources qui recense l’ensemble des lieux de prise en charge de chaque département. Il est à découvrir sur notre site internet.
Quel est le message principal à retenir des actions de Dîtes Je Suis Là ?
“En parler peut tout changer”