Fanny Vella est l’auteure du livre Et si on changeait d’angle, une BD humoristique qui pose un nouveau regard sur l’éducation des enfants. Dans ce livre, à l’humour décapant, l’autrice imagine des situations dans lesquelles l’adulte est mis à la place de l’enfant. Entre humour et prise de conscience, rencontre.
Fanny, peux-tu nous raconter ton parcours en quelques mots ?
Je suis illustratrice depuis 4 ans et autrice de bandes dessinées depuis un peu plus d’un an, je suis issue d’un parcours professionnel atypique puisque j’ai quitté le milieu de la publicité et de la communication visuelle pour m’orienter vers l’accompagnement d’enfants porteurs de handicap pendant plusieurs années.
Quand je suis tombée enceinte, j’ai profité de mon congé maternité pour m’amuser à dessiner des scènes de vie, celles-ci ont plu sur les réseaux et de là m’est venu l’envie de tenter d’en faire un métier, alliant ma passion de l’image avec la possibilité de faire passer des messages permettant de faire un peu bouger les lignes, faisant le lien avec le sens et l’utilité que j’avais tant chéri lors de ma carrière dans le social.
J’ai orienté mon travail autour de causes qui me tiennent à cœur et les BD que j’ai écrites et illustrées sont axées autour des thématiques des violences conjugales ou des violences éducatives ordinaires.
Pourquoi as-tu décidé d’écrire le livre « Et si on changeait d’angle » ?
Concernant « Et si on changeait d’angle », il s’agit à l’origine d’une série d’illustrations présentées sur mes réseaux. C’est le fruit de ma réflexion face aux remarques de notre entourage, « laisse pleurer ton bébé », « il te manipule », « tu vas en faire un enfant roi »… Toutes ces choses longtemps entendues qui ne m’avaient jusqu’alors jamais choquées et qui combinées à mon nouvel instinct maternel me paraissaient complètement incohérentes.
Quand je m’occupais d’enfants porteurs de handicap lourds qui ne pouvaient verbaliser leurs besoins ou souffrances, j’essayais toujours de me poser ces questions : « Si on me manipule ainsi pour pratiquer ce soin comme je le fais, est-ce que je serai à l’aise ? De quoi aurais-je besoin ? Qu’on m’explique, qu’on s’adresse à moi, qu’on me considère. »
Ce fut, ensuite, facile de transposer ce réflexe à mon nouveau rôle de maman : « Si je me faisais mal comment voudrais-je que l’on considère ma peine, ma peur, ma douleur? », et ensuite appliquer le traitement le plus empathique possible en fonction de la situation. Ces réflexions ont pris la forme d’illustrations où je transpose des situations habituellement et quotidiennement vécues par nos enfants à des interactions entre adultes, façon de pointer l’absurde caricaturalement et avec humour pour permettre de se réajuster en prenant en compte les besoins de tout le monde.
Cette série n’avait pas pour vocation d’être éditée, mais on me demandait régulièrement d’en faire un recueil, alors sous les encouragements de mon éditrice Elodie Crépel, je me suis attelée à ce projet en ajoutant des illustrations inédites et une BD de 30 pages à la fin du livre.
Ton livre permet de réelles prises de conscience quant à la parentalité, pourrais-tu nous donner l’exemple de quelques scénettes ?
On découvrira ainsi une femme parlant de son conjoint à côté de lui comme s’il n’était pas là, une autre forçant le sien à prêter sa voiture à un inconnu sous prétexte qu’il faut apprendre à partager, une jeune femme contrainte d’embrasser un oncle qu’elle n’a jamais vu sous prétexte de ne pas passer pour une petite sauvage, etc.
Elles permettent d’alerter sur ce qui a été totalement banalisé, reléguant les envies, le consentement, les peurs, les besoins de nos enfants aux rangs de futiles. J’ai accompagné chaque image d’une suggestion de phrase comme des alternatives à proposer dans chaque situation. Ces phrases sont à la fois présentes pour ne pas laisser les lecteurs face à des comportements qu’ils souhaitent enrayer sans leur offrir d’alternatives à proposer.
Mais elles sont aussi là pour qu’on se mette bien d’accord sur le fait qu’il ne s’agit pas de « céder » ou de tomber dans un laxisme facile où on ne refuse plus rien à son enfant sous prétexte de ne pas vouloir le frustrer, au contraire il s’agit de trouver un terrain d’entente entre les besoins de l’adultes et ceux de l’enfant en amenant chaque manœuvre avec le plus d’empathie et de prise en compte de l’autre possible.
Que dis-tu à ceux qui pensent que nous vivons dans une société trop laxiste vis-à-vis des enfants ?
Je pense que cela vient d’un vrai manque d’informations quant à ces « méthodes » d’éducation, mais elles ne sont en rien laxistes. Je ne me sens en rien dévouée à ma fille en agissant comme ça, au contraire à être autant à son écoute, j’en attend de même de sa part me concernant.
Le laxisme est une forme d’abandon, je trouve que cette façon d’accompagner nos enfants demande beaucoup de réflexion, elle ne permet en rien de se reposer sur du confort puisqu’il faut sans cesse ajuster notre comportement, prendre le temps d’expliquer, se mettre à leur niveau. On est loin de l’idée du parent qui cède à tout par facilité.
Que souhaites-tu aux parents de demain?
Je souhaite à tous les parents de pouvoir placer le plus d’empathie possible dans leurs relations avec leurs enfants. Plus nous prendrons en compte les besoins de nos enfants, plus il sera simple d’identifier nos propres besoins et de créer un cercle vertueux où tous les membres de la famille agissent avec empathie les uns avec les autres.