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Laila, infirmière au parcours extraordinaire…

Les réseaux sociaux ont ça de magique qu’ils permettent de fédérer ceux qui n’auraient jamais pu se rencontrer autrement. Laila Hamdouni habite à Tonnerre, en Bourgogne et fait partie de ces rencontres qui marquent. D’abord rencontrée « online », nous l’avons rencontrée « en vrai ».  Elle illumine une pièce par son franc parler et par sa simplicité. Rencontre d’une infirmière hors du commun.

Laila, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?

Très tôt je suis responsabilisée. Mon père tombe malade alors que je suis au collège. Je choisis un parcours court en me disant que je pourrai ainsi subvenir aux besoins de ma famille. Si j’avais demandé à mes parents, ils m’auraient dit de continuer mes études, mais déjà, je n’en fais qu’à ma tête ! Je passe un BEP. Finalement mon père va mieux, je poursuis par un bac informatique et un BTS comptabilité gestion.

Tu dis être une rebelle…

Effectivement. À 19 ans, je veux me marier. Mes parents refusent mais je me bats. J’ai bien fait, nous sommes ensemble depuis plus de 18 ans !
Alors que mes frères et sœurs sont cadres ou ingénieurs, je travaille dans un magasin de bricolage. J’ai mes 2 premiers enfants sans même m’arrêter. Rapidement, j’ai envie d’un métier qui permette plus de liens avec les gens. Je postule pour être secrétaire médicale dans le cabinet de 2 médecins. Je suis choisie. Je fais de tout : de l’accueil à la comptabilité, de la mise en place d’outils informatiques à la garde de leurs enfants.

Et c’est là que tu découvres un premier envers du décor ?

Oui, le médecin pour qui je travaille m’a posé un stérilet et je tombe pourtant enceinte. Les problèmes commencent. Pour diverses raisons le cabinet est sous tension. On commence à me demander de plus en plus de choses.
J’ai un crédit sur le dos et la chance de travailler non loin de chez moi. Je dois assurer pour l’avenir de ma famille. Je me dévoue. Le harcèlement moral commence. Moi qui avais une confiance illimitée en eux, je tombe de haut.
Ils sont médecins, je suis assistante médicale, c’est risqué. Je pars aux prud’hommes puis à la cour d’appel de paris avec 200 attestations de patients. Je gagne.

J’imagine que tu remets en question pas mal de choses ?

Effectivement. Une phrase me marque, celle de la juge : « Madame, vous avez subi de l’esclavage moderne ».


J’ai en effet perdu mon âme de rebelle. J’ai dit oui à tout, faisant passer le confort de ces médecins avant le mien pour garder mon emploi. 3 ans pour réagir.
Je comprends que les valeurs ne sont pas forcément associées aux métiers qu’on exerce. Depuis, j’ai appris à juger par rapport aux actes et non par rapport aux statuts.


Comment remontes-tu la pente ?

Je valorise les bons moments passés avec les patients hospitalisés et avec leurs proches. Au fil des mois, j’ai noué de belles relations avec eux, je leur apporte les médicaments, je parle avec. Une fois libérée, je pense naturellement au métier d’infirmière. Je pars au concours sans préparation, je le décroche.

Tu reprends donc tes études à 30 ans !

Oui avec 5 enfants à la maison ! Je demande à mon mari et à mes enfants ce qu’ils en pensent sachant que cela signifie moins d’activités pour et avec eux. Ils sont enthousiastes. Je passe alors 3 ans à l’école à faire 140 kilomètres par jour, 7j/7. En effet, je travaille le WE pour financer le tout…

Tu deviens infirmière ?

Enfin ! Je commence à travailler en EHPAD. A nouveau je me rends compte de la dissonance. Je ne supporte pas la maltraitance faite aux personnes âgées. Si la famille vient régulièrement, on nous dit de prendre soin de la personne. Si personne ne vient, on la néglige.
Soit on se formate pour survivre dans un tel système, soit on se sent mal ! Je n’arrive pas à changer le système, je me sens mal, je le quitte rapidement. Je deviens infirmière hospitalière.

C’est très différent ?

J’arrive dans un service de médecine polyvalente avec des horaires en 12h. J’apprends des milliers de choses. J’adore ! Je travaille de nuit pour passer des diplômes universitaires le jour. L’an passé j’ai passé un diplôme en santé connectée. C’est là que j’ai monté un projet de télémédecine ambulatoire.

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’un projet qui permet la coopération entre la ville et hôpital. Aujourd’hui, trop de lits en hôpitaux sont occupés par des patients qui pourraient rentrer chez eux s’ils étaient suivis. Permettre d’accompagner les actes des infirmières, qui, elles sont présentes dans les déserts médicaux serait une avancée.
Proposer de la télémédecine ambulatoire à des infirmières formées serait un vrai confort pour les patients. Mais cela va lentement et il y a un paradoxe. Les médecins ou hôpitaux se plaignent de la surcharge mais ils refusent que cela soit pris par les autres.
Des organes institutionnels m’ont contactée pour présenter le projet et le déployer en pilote. A suivre.

Aujourd’hui, tu es devenue une influence sur LinkedIn !

Simplement parce que je partage mon quotidien aux côtés de personnes en soin palliatif. Mon profil est authentique.
En réalité j’ai souvent l’impression que les infirmières sont les oubliées des ministères car le réseau est décentralisé et disparate (libérales, hospitalières, etc…). Nous sommes  probablement mal représentées. J’ai la chance de faire entendre une voix. J’aimerais vraiment redonner le pouvoir aux soignants et en particulier aux infirmières, qui sont indispensables aux soins !
En parallèle je suis maman, je continue de suivre des études, je me rends à des congrès, je suis investie dans des actions humanitaires. Il faut montrer que c’est possible !!

Comment vois-tu le futur ?

Intense ! J’ai récemment été sollicitée pour donner une conférence sur la télémédecine au Maroc lors de la rencontre « Afrique Digital Médical ». Je vais prochainement donner des formations aux étudiants infirmiers sur le digital et la télémédecine.
De beaux projets se dessinent aussi, en Afrique et en France.

Si tu avais envie de dire un mot à dire aux lecteurs de l’Optimisme ?

Qu’il faut oser ! On a la possibilité d’arriver à un objectif si on le veut vraiment. Tout n’est pas rose et je parle aussi de mes mésaventures. Rien n’est tracé d’avance, tout est possible.

Pour finir : ta citation préférée ?

Quand on veut on peut. Phrase que ma mère m’a toujours dite.

Merci Laila pour ton engagement. Et merci à LinkedIn, réseau sur lequel nous avons croisé Laila. Laila a lancé la #rucheconnectée (des rencontres réelles sur LinkedIn) entre personnalités représentant la société dans différents domaines « chacun y est utile, notre maître mot est l’entraide et la bienveillance ».
Nous vous invitons à suivre Laila Hamdouni sur LinkedIn (ou ailleurs … 🙂 )



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